Les insultes, les cris d’orfraie ou l’appel à la censure ne permettront nullement de créer une alternative à l’offre politique qu’Eric Zemmour incarne ces jours-ci. Ca a été testé sur Le Pen père et on a tous vu le résultat. L’ancien journaliste et hypothétique candidat à la présidentielle remplit les salles un peu partout dans le pays ces temps-ci. Or si Eric Zemmour trouve audience auprès d’un grand nombre de Français, c’est parce qu’il offre une vision du monde qui leur paraît répondre à leurs peurs et à leurs attentes tout en promettant une sorte de retour en arrière, dans un monde perçu comme connu donc, à tort ou à raison, rassurant. Seule une autre vision du monde, parvenant à répondre aux aspirations d’une majorité de Français, pourra contrer l’offre politique qu’incarne aujourd’hui Eric Zemmour. Une vision du monde qui permet de construire un avenir commun à partir d’une histoire commune.
La France de l’édit de Nantes a permis à deux identités confessionnelles de vivre en paix après des années de batailles et de massacres. La France des Lumières a progressivement installé l’autonomie, c’est-à-dire la capacité de se gouverner soi-même par ses propres lois. La France de 1789 a détruit les privilèges et instauré les droits du citoyen sans distinction d’origine. La France de 1905 a inscrit dans la loi, à jamais, la liberté de conscience et son corolaire, la séparation entre le politique et le religieux et la non-interférence de l’un sur l’autre. La France issue de la résistance et de la victoire sur les nazis a construit notre monde moderne avec sa puissance industrielle et le compromis social qui en est le corollaire.
Sur ces fondements-là, quelle France devons-nous, pouvons-nous, construire ensemble ?
Faire la France de demain, c’est d’abord et avant tout être digne de l’héritage que je viens d’évoquer ci-dessus : l’universalisme, la nation civique, la laïcité, les droits du citoyen, la liberté républicaine, l’égalité — en particulier entre l’homme et la femme — loin de toute assignation identitaire, la mutualisation de nos capacités pour que l’avenir soit décidé par nous et qu’il ne nous soit pas imposé en dehors de notre volonté commune.
Faire la France de demain, c’est ensuite prendre en compte le contexte nouveau dans lequel nous sommes désormais c’est-à-dire celui des interconnexions mondiales sur les plans humain, financier, marchand, intellectuel qui génèrent des insécurités de toutes sortes, mais aussi des opportunités bénéfiques si on sait les domestiquer et s’en servir.
Faire la France de demain, c’est relever les défis qui sont devant nous. Et dans cette optique, le repli sur un passé — fantasmé ou réel — n’est pas une option car le passé — par définition — ne revient jamais : ce constat est vrai tout autant pour le salafisme que pour l’idéologie conservatrice qu’Eric Zemmour incarne aujourd’hui devant nos yeux. Le repli vers moins de prospérité n’est pas plus convaincant : qui fera consciemment le choix d’un avenir moins confortable pour nos enfants que ce que notre passé et notre présent ont été pour nous. Et enfin se laisser ballotter par les seules lois des marchés n’est pas non plus réaliste s’agissant d’un peuple qui s’est efforcé depuis des siècles de décider pour lui-même de l’avenir qu’il veut se donner.
Seule la promesse républicaine est viable, celle qui fait qu’un homme ou une femme peut construire son avenir par ses propres moyens et ceux que la République met à sa disposition. La promesse républicaine qui nous vient de loin et qui peut nous porter encore plus loin. Nous sommes nombreux à en avoir bénéficié et à lui être reconnaissant que l’on soit d’ici depuis des siècles ou que l’on ait choisi de s’installer sous ces cieux en connaissance de cause. Nous sommes nombreux à en bénéficier au quotidien et à lui être reconnaissant au quotidien et elle doit à nouveau être convaincante pour tous les autres, pour l’ensemble de nos concitoyens, en particulier ceux qui s’en sont éloignés et qui seraient prêts à s’en rapprocher de nouveau. Elle doit à nouveau embarquer en elle tous ceux qui croient en l’héritage des Lumières fait de liberté et d’égalité. Et que ceux qui n’y croient pas aillent voir ailleurs si l’herbe est plus verte : ils se rendront vite compte des avantages que la République promet et souvent réalise.
La République est un double combat de chaque instant : à la fois pour l’émancipation de chacun et en même temps contre toutes les dérives, assignations ou discriminations identitaires. La République c’est notre héritage et notre destin. A nous, à chacun d’entre nous individuellement et à nous tous collectivement, d’en être digne et de relever ensemble les défis de notre avenir commun.
En lisant ton texte je repense à cette phrase de Je. Jaurès, prononcée à l’Assemblée Nationale ,je crois : » Sans la République le socialisme est impuissant, sans le socialisme la République est vide « . Dans son discours récent à Lille, B. Cazeneuve a une phrase qui n’est pas loin de cette citation. JYF
La phrase de Jaurès
« Sans la République, le socialisme est impuissant.
Sans le socialisme,
la République est vide »
elle mérite d’être rappelée, répétée et méditée par les militants, les dirigeants et les élus socialistes ! Il serait temps de cesser d’esquiver le mot « socialisme » derrière « social-démocratie » et « social-écologie » ou « progressisme » comme si on en avait honte !!
La seule honte ne serait baye de ne pas vouloir ou savoir élaborer sans cesse la mise à jour, l’actualisation du projet global, historique du socialisme : la transformation sociale par une démocratie vivante pour l’émancipatIon de tous les êtres humains ! Malgré le passage du temps et des changements techniques et sociaux beaucoup de propos de Jaurès restent une source d’inspiration !…
Il appartient aux socialistes de se montrer à la hauteur de leurs idéaux dans « un temps troublé »
( titre de l’excellent livre de Lionel Jospin, bien supérieur à l’affrontement préconisé par Hollande, ce président socialiste…paradoxal )….