La crise démocratique n’a pas commencé hier et ne finira pas demain. Néanmoins, elle a été accentuée par les moyens de création de l’information et nos moyens d’accès à l’information.
D’une part, ce qu’on appelle « le numérique » a permis à tout un chacun d’accéder à de l’information de qualité : on n’a plus besoin d’acheter une encyclopédie ou de suivre des cours très poussés pour savoir chercher l’information précise, la trouver et la comprendre. D’autre part, le même « numérique » enlève presque toutes les barrières à l’entrée sur le « marché » de l’information : on n’a plus besoin d’être la BBC ou TF1, ni même CNN ou BFMTV pour créer de l’information, la diffuser et se créer une certaine audience parfois même une audience certaine.
Et ce changement n’est pas anecdotique. Il change fondamentalement notre système démocratique apparu à une époque — l’ère industrielle — où justement créer de l’information et y accéder répondaient aux règles hiérarchiques de l’ère industrielle.
Martin Gurri, un ancien analyste de la CIA, désormais chercheur et consultant dans ces domaines reliant information et politique, a publié un livre important en 2014 réédité et augmenté fin 2018. Il y explore ce qu’il appelle la « révolte du public » et la crise que cela engendre dans le système politique hiérarchique issu de l’ère industrielle. Si le moment populiste que nous vivons est causé par (1) les médias sociaux, (2) la stagnation économique, et (3) la question identitaire —- pour reprendre l’analyse de Yascha Mounk — alors avec Gurri on peut analyser la première de ces causes : « le numérique » dans ses conséquences politiques.
👉 Une interview ici chez Atlantico en français
👉 Une recension de son livre paru ici dans Le Monde sous la plume de Nicolas Colin en français
👉 Une conférence de 20 minutes et un entretien lors d’un colloque à l’Université de Chicago ici en anglais
Et en guise d’illustration de ce billet, un résumé de nos vies numériques et du manichéisme qui les caractérise (piquée sur le Twitter de Noah Smith).