Fiscalité et commun

Ce qui suit peut paraître pure rhétorique voir même du domaine de l’anecdote. Or je pense que c’est un sujet plutôt crucial car en lien avec le consentement à l’impôt, et plus largement en lien avec nos droits et devoirs dans le cadre du contrat social qui nous lit !

J’ai utilisé il y a quelques jours l’expression « évasion fiscale » au lieu d’utiliser « optimisation fiscale ». Ca a surpris quelques amis et contacts Facebook et les échanges qui ont suivi m’ont montré qu’il est nécessaire de clarifier deux ou trois principes concernant ce sujet.

La différence précise entre l’évasion fiscale et l’optimisation fiscale c’est la règle qu’on enfreint si elle existe et alors on est dans l’évasion, ou la règle qui n’existe pas et alors on est dans l’optimisation. C’est exactement au niveau de cette règle — existence ou non — que se situe la frontière entre l’optimisation et l’évasion.

Pour ma part, je considère qu’en démocratie c’est le politique qui fixe les règles. Il est donc éminemment politique de savoir si (1) on veut, collectivement, favoriser l’optimisation fiscale en enlevant des règles qui contraignent les contribuables, ou (2) on veut, toujours collectivement, contraindre les contribuables en fixant des règles mettant hors-la-loi celui qui les enfreint et ferait alors de l’évasion fiscale.

L’actuel président de la République — en voulant supprimer l’ « exit tax » — opte pour la première alternative. Ses deux prédécesseurs avaient opté pour la deuxième alternative — une « exit tax » qui incite les actionnaires à ne pas déménager pour tirer profit d’une fiscalité voisine plus clémente. C’est là, pour moi, une question éminemment politique, c’est-à-dire directement en prise avec notre façon de vivre ensemble selon des règles communes. Question éminemment politique donc : question cruciale pour la survie ou le désintégration de cet artefact qu’on appelle « contrat social », contrat imposant des droits et de devoirs à chacun, notamment en matière d’impôt.

Or qu’est devenu ce contrat — et les règles qui le régissent notamment en matière fiscale — depuis que nous avons souhaité en élargir le périmètre à d’autres peuples européens, à d’autres états européens ? Je pense que pour répondre à cette question, il est nécessaire de se référer au principe qui régit cet élargissement, qui régit ce nouveau périmètre que constitue l’Union européenne. Ce principe [1 ou 2] est celui de la concurrence pure et parfaite. Le Traité de Maastricht définissait déjà la politique économique de l’Union comme « conduite conformément au respect du principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre ». Le projet de Traité constitutionnel allait encore plus loin. L’article I-3 définit parmi « Les objectifs de l’Union » : « L’Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, et un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée ».

Si les règles ne garantissent pas une concurrence non faussée entre états — au hasard, la Belgique et la France — alors la concurrence ne peut pas — ne devrait pas — être libre. Si on décide d’enlever les règles sur la libre circulation des capitaux — et des contribuables dans ce cas-ci — alors il vaut mieux avoir la même fiscalité dans la zone de libre circulation. Sinon la mécanique ainsi mise en place fausserait la concurrence et alors la concurrence ne pourrait plus être libre. Pardonnez cette analogie rudimentaire mais on ne met pas deux équipes concurrentes sur le même terrain de jeu en donnant des règles différentes à chaque équipe !

Une telle mécanique est incohérente car elle libère la concurrence tout en autorisant qu’elle soit faussée. Elle donne le sentiment que celui qui a les moyens peut se payer l’optimisation et que les autres paient « plein pot » générant ainsi ce sentiment d’inégalité devant les règles d’un même état. D’où la coupure entre ceux qui ont les moyens et ceux qui ne les ont pas. C’est comme ça qu’on finit avec le Brexit, avec Trump, avec l’extrême droite dans l’alliance gouvernementale à Vienne ou plus récemment avec l’étrange alliance qui se constitue sous nos yeux à Rome…

Concernant la France, il ne sert à rien d’invoquer la République à tout va si on piétine les règles communes !

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