L’homme fort d’Arabie Saoudite — Mohamed Ben Salman, a.k.a. MBS, successeur désigné de son père qu’on dit en « fin de course » — a opéré la semaine dernière ce qu’on peut appeler une purge. Il a placé en détention — au Ritz de Riyad — plusieurs dizaines de leaders locaux — membres de la famille royale, ministres et anciens ministres, hommes d’affaires — parfois à stature internationale comme Al Waleed Bin Talal.
Dans la foulée de ce mouvement sans précédent en Arabie Saoudite, samedi, le premier ministre libanais — Saad Hariri — est convoqué à Riyad où il se rend toutes affaires cessantes. Il semble y avoir été accueilli par les forces de sécurité saoudiennes puis on le revoit à la télévision saoudienne où il déclare — à la surprise générale — sa démission du poste de premier ministre. Il invoque la mainmise du Hezbollah et de son sponsor l’Iran sur la politique libanaise qu’il accuse d’avoir voulu l’assassiner. Depuis, il ne s’exprime plus en public et n’a que de très superficiels et courts échanges avec sa famille et ses collaborateurs. Si Hariri ne s’exprime plus, le ministre saoudien pour les affaires du Golfe est quant à lui prolixe : les quasi-déclarations de guerre vis à vis du Liban et du Hezbollah se succèdent — façon Trump — sur son compte Twitter.
Un petit rappel du contexte. Le Liban est un état tampon : quand ses voisins s’enrhument c’est lui qui tousse. Le Liban est un état pourri de l’intérieur par un communautarisme institutionnalisé : les citoyens appartiennent d’abord à leurs communautés confessionnelles et celles-ci sont en général sponsorisées par des puissances régionales. Ainsi, quand Riyad et Téhéran s’insultent, elles le font via « leurs » Libanais qui les représentent à Beyrouth. Depuis un an, un consensus avait pourtant été trouvé : (1) Michel Aoun — allié au Hezbollah depuis son retour d’exil en 2005 et bénéficiant d’une certaine légitimité à Beyrouth due à son opposition de toujours à l’occupation syrienne — est devenu président de la République et (2) Saad Hariri — allié de Riyad –est devenu premier ministre. Ce consensus vient de voler en éclats. Hariri démissionnant de manière contraire aux us et coutumes — depuis l’étranger et sur les ondes d’une chaîne étrangère — Aoun considère qu’il est encore premier ministre — donc bénéficiant d’une immunité selon la convention de Vienne — jusqu’à ce que sa démission soit présentée « en présentiel ». Aoun est soutenu en cela par la propre famille de Hariri, son parti politique et ses alliés locaux.
Je ne sais pas si on peut considérer Hariri comme étant retenu en otage à Riyad, en tous cas cet épisode hors-norme s’inscrit dans le cadre de la guerre qui se déploie un peu partout entre Riyad et Téhéran — de la Syrie au Yemen en passant désormais par le Liban. En parallèle à tout cela, Washington espère que Aramco — la compagnie pétrolière du Royaume– soit bientôt côtée à New York — tweet de Trump lui même à ce sujet. Israël, quant à lui, voit là un allié — espéré depuis longtemps — dans sa guerre continue avec le Hezbollah. Bref, un état tampon dans une région où les conflits sont un peu comme l’oxygène…
Et au milieu de tout cela, le président Macron a inauguré hier le Louvre d’Abu Dhabi — Abu Dhabi meilleur allié de l’Arabie Saoudite. Puis, il en a profité pour « faire un saut » à Riyad où il a rencontré MBS — cf photo ci dessous — et on imagine qu’ils ont évoqué le cas du premier ministre libanais.
Deux articles pour plus d’info : L’Orient le jour et The Independant