L’esquive de l’impôt

Panama papers hier, Paradise papers aujourd’hui. On ne sait plus où donner de la tête dans ces histoires d’évasion fiscale (illégale) considérées par certains comme de la simple optimisation fiscale (légale).

Finalement ce sont deux définitions de la liberté qui s’affrontent. L’une s’appréhende comme non-interférence où l’individu-roi (ou l’entreprise-reine) pourrait s’exprimer ainsi : « si je ne veux pas payer les impôts, je ne paie pas les impôts et personne n’a le droit d’interférer dans cette décision ». L’autre se voit plutôt comme non-domination, admettant a contrario l’interférence de l’Etat justement pour garantir la non-domination. Dans les deux cas, il s’agit bien de liberté : dans le premier c’est celle des libéraux (des néolibéraux pour être précis) et dans l’autre c’est celle des républicains (dans le sens philosophique du terme, et pas dans le sens partisan évidemment). Et naturellement entre ces deux « pôles » théoriques existe tout un spectre de mises en œuvre mélangeant les deux définitions selon des doses variées.

Et l’on constate avec les Paradise papers que cette esquive de l’impôt est souvent faite au travers de méthodes légales inspirées de la définition libérale de la liberté. L’esquive s’appuie sur des règles émises par les états eux-mêmes, ou du moins par une absence de règles admises par les états eux-mêmes. Et parmi ces états, il y a bien évidemment des états de l’Union européenne. Or si nous vivons en communauté, au lieu de vivre seuls sur une île déserte, c’est que nous avons décidé de mettre en commun un certain nombre de nos caractéristiques (notre souveraineté individuelle absolue par exemple) et de nos capacités (une partie de notre revenu et de notre patrimoine aussi minimes soient-ils). Cette mise en commun se fait dans l’espoir de s’assurer face à un certain nombre de risques (l’insécurité par exemple) et à profiter d’un certain nombre d’opportunités (l’éducation par exemple). Une communauté ainsi conçue est solidaire. La solidarité est une des caractéristiques de cette communauté de destins qu’on appelle la république. Ceux qui se délient volontairement de cette solidarité sortent du cadre commun. Et une communauté qui facilite la sortie du cadre commun, en facilitant l’esquive de l’impôt par exemple, est une communauté (que ce soit la communauté nationale ou la communauté européenne) qui organise son propre délitement, sa future implosion.

En autorisant implicitement ou explicitement l’esquive de l’impôt, la communauté des citoyens s’est laissée berner par les plus puissants, ceux-là mêmes qui se réclament de la liberté comme non-interférence de l’Etat, ceux-là mêmes qui sont les seuls à avoir les moyens de mettre en œuvre les techniques complexes de l’esquive, ceux-là mêmes qui ont donc un comportement de passager clandestin et, pour le dire plus clairement, un comportement de parasite profitant d’un environnement stable et ne contribuant nullement à sa stabilité. Il est inadmissible que ce comportement post-démocratique se perpétue sans réactions politiques, car le politique a pour premier objectif de maintenir la communauté politique et non pas d’organiser son délitement. Autrement, le politique ne servirait à rien d’autre qu’à faciliter la perpétuation du comportement parasitique.

Un peu plus d’interférences pour garantir la non-domination est désormais nécessaire. Un peu plus de liberté des républicains après l’hégémonie culturelle de la liberté des néolibéraux de ces dernières années.

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