Lors des révolutions industrielles qu’a connue l’Europe occidentale durant le XIXè siècle, c’est la puissance musculaire qui a été partiellement remplacée par la machine à vapeur. Pour autant, le muscle humain n’a pas totalement disparu de toute activité économique nécessitant une puissance musculaire. Ce qui a disparu ce sont les tâches répétitives où le muscle humain apportait finalement peu de valeur.
Lors de la révolution industrielle que nous vivons actuellement, ce qui remplace la machine à vapeur du XIXè siècle c’est l’intelligence artificielle (pas seulement la robotisation). Ce qui peut potentiellement être remplacé c’est l’intelligence humaine. Mais comme lors des précédentes révolutions industrielles, ce n’est pas un remplacement total qui s’imposera, mais bien une modification des actions humaines : le répétitif sera remplacée, le créatif ne le sera pas (et un plombier a besoin de créativité, pas seulement un auteur ou un directeur artistique).
C’est donc bien à une interaction et à une coopération entre l’intelligence humaine et l’intelligence artificielle qu’il faut s’attendre et non pas à un remplacement de l’une par l’autre.
En revanche il est nécessaire de penser les conséquences de cette évolution notamment en termes d’activités humaines (et pas seulement en terme de temps de travail). De quoi a-t-on besoin pour être prêt à une telle coopération ? Qu’est-ce que cela signifie sur notre place individuellement, mais aussi en tant que groupe d’humains vivant sur ce territoire qu’on appelle France ? Quelles compétences nous seront utiles et celles nécessaires pour éviter d’être exclus de la chaîne (ou boucle) de valeur ? Quelles conséquences sur l’organisation du territoire étant donné l’exode rural qui a suivi la deuxième révolution industrielle, celle de la deuxième moitié du XIXè ? Quelles conséquences sur les systèmes fiscaux étant donné la loi des rendements croissants (une intelligence artificielle peut être dupliquée à l’infini quasiment sans surcoût et sans contraintes géographiques) ? Quelles conséquences sur les solidarités et les protections qui font tout l’intérêt de la vie en société, de l’association politique même ?
Il y aurait encore des tonnes d’autres questions à se poser et dont il faudrait anticiper les réponses. Dans l’immédiat après-guerre, le Commissariat Général au Plan a permis d’imaginer la France du lendemain, celle qui a été construite dans la deuxième moitié du XXè sicèle. La tendance actuelle serait de laisser la «main invisible» planifier tout cela comme bon lui semble. Ce serait une erreur majeure ! Par ailleurs, la réponse à ces défis n’est pas dans le projet européen tel qu’on le connaît depuis 20 ou 30 ans : il ignore, de manière tout à fait dogmatique, toute capacité de planification ! Où est le leader de l’intelligence artificielle que le vieux continent n’a pas su développer alors que la coopération intergouvernementale avait, elle, su développer un géant tel Airbus.
Les mêmes questions qui se posent quant à la transition numérique (dont l’intelligence artificielle est une composante) se posent aussi quant à la transition énergétique. Et l’effort pour y répondre nécessite là aussi du volontarisme et donc de la planification !
Non je ne réclame pas un retour en arrière. Je réclame une volonté de préparer l’avenir parce que personne de sérieux ne peut naviguer à vue par gros temps.