Depuis le début de la campagne de la primaire de gauche — explicite pour quelques-uns, implicite pour tous les autres — chaque militant politique se demande si les citoyens croiront aux arguments que nous leur soumettrons. Le fossé ne se résorbe pas entre élus et électeurs, bien au contraire. La question redouble d’acuité lorsqu’on voit les mensonges que Donald Trump a pu utiliser : chacun se demande si le “president elect” va tenir ses engagements de campagne une fois installer dans l’aile ouest de la maison blanche…
Transformation numérique du politique
Je suis de ceux qui parient sur le fait que, depuis une petite dizaine d’années, il est de plus en plus difficile pour un candidat de prendre des engagements devant les électeurs en sachant pertinemment qu’il ne les tiendra pas.
Je sais que vous allez me dire que je suis une sorte de bisounours, mais voilà le raisonnement — vous me direz ce que vous en pensez :
- de plus en plus les candidats laissent une trace numérique forte issue de chacun de leur déplacement
- et pour les plus pertinents d’entre eux, ils ne se contentent pas de photos de « serrages de louches » mais de propositions concrètes qui une fois émises en public, et donc sur les réseaux sociaux, deviennent de fait des engagements
- de plus en plus les militants politiques ont accès aux mêmes moyens que les journalistes et autres fact-checkers, avec un usage malin de Google on retrouve tout ce qu’un candidat a pu claironner ou même chuchoter
- de plus en plus les militants politiques ont accès aux mêmes moyens — ou presque — pour remonter à la surface une information ainsi récupérée au fin fond du web
Alors oui les plus anciens parmi les candidats ne sont pas encore conscient de cet état de fait — et ça pourrait bien être le cas de Trump ! Ils vont continuer à promettre à tour de bras sans se rendre compte du risque qu’ils prennent. Mais les plus modernes parmi les candidats en sont conscients. Ils savent que s’engager sur quelque chose qu’ils savent d’office intenable est une erreur qui pourra leur couter cher car souvent l’objectif est d’être élu et réélu pour avoir le temps de modeler le pays selon une vision politique qui les caractérise. Or comment être réélu si on est considéré, à tort ou à raison, comme un candidat qui ne tient pas ses promesses.
La réélection rendue encore plus ardue dans un tel contexte
On sait que François Mitterrand n’a été réélu qu’à la faveur de la cohabitation et que Jacques Chirac ne l’a été qu’à la faveur du 21 avril. Donc être réélu n’était déjà pas simple en soi. Cela devient encore plus complexe si le premier enquêteur venu est capable de prouver un mensonge de campagne. Et c’est tant mieux parce qu’ “être élu pour être réélu” — pour reprendre l’expression de Marcel Gauchet — est le principal mal politique contemporain. Le principe démocratique signifie implicitement qu’être élu implique qu’on applique un projet et qu’on se représente devant les électeur avec un bilan et un projet additionnel.
Naturellement la question se pose concernant François Hollande : a-t-il tenu ses promesses ou s’est-il avancé durant la campagne de 2011-2012 sur des choses qu’il n’a pas savait d’emblée ne pas pouvoir tenir ?
Lui et ses proches — il y en a encore, ne nous leurrons pas — diront qu’il les a tenu ! C’est possible au moins en partie. Personnellement, j’aurais tendance à dire qu’il n’a pas promis monts et merveilles durant la campagne — et, pour rappel, je le soutenais dès le premier tour de la primaire ! Mais je soulignerais les engagements qu’il a tenu alors qu’il ne les avait pas pris : tentative avortée malgré lui d’extension de la déchéance de nationalité, “loi travail” sans nier certaines de ses avancées, CICE qui n’était pas prévu en l’état et qui a pourtant fondé la politique de l’offre qui a structuré le mandat, etc.
Mais, je ne vais pas rentrer dans la polémique, ce n’est pas le sujet de ce billet. Néanmoins, les Français ne semblent pas croire qu’il ait rempli le contrat sinon les enquêtes d’opinion ne seraient pas aussi mauvaises depuis aussi longtemps. Ces enquêtes ne sont évidemment pas une preuve de mensonges de campagne mais elle révèlent la représentation que s’en font les électeurs de 2017. Et dans cette affaire-là la représentation est au moins aussi importante — si ce n’est plus — que la réalité !
Ainsi, il est nécessaire que nos candidats soient au plus près des capacités qu’ils auront une fois élus. Et s’il y a doute, il suffit de le dire pour anticiper une incapacité dans l’exercice du pouvoir sur un un sujet précis. Mais tout cela ne doit pas être une excuse pour ne pas avoir une vision pour la France qu’on propose aux Français en 2016-2017, à eux de décider de la partager ou pas en janvier pour le peuple de gauche et en mai-juin pour l’ensemble du peuple français…
En ce qui me concerne, j’ai déjà commencé dans le sillage d’Arnaud Montebourg et on poursuit les travaux le 18 novembre à Nantes où vous serez bien sûr les bienvenus pour construire ensemble le Projet France.