[Publié d’abord sur Medium France]
J’ai récemment eu l’occasion d’échanger autour de la laïcité, dans différents cadres et avec nombre de personnes plus ou moins concernées par le sujet. La laïcité est un principe politique et un régime juridique qui fondent la République. Elle garantit, au travers de la neutralité des autorités publiques, la liberté de conscience — la liberté de croire ou de ne pas croire, ainsi que la liberté de culte — pour ceux qui croient, la liberté de pratiquer tel ou tel culte.
Et le premier espace où doit s’exercer cette neutralité c’est dans les relations entre les autorités publiques et les citoyens. Chaque citoyen est libre d’avoir ses préférences personnelles et même ses identités multiples et particulières s’il le souhaite — donc sans assignations identitaires. Il peut les exprimer dans sa sphère privée et même dans la sphère publique tant qu’elles ne contreviennent pas au droit commun. Cependant, dans sa relation avec les autorités publiques, le citoyen a une seule identité, l’identité commune qui le met sur un pied d’égalité avec chacun des autres citoyens qui constituent la communauté nationale. Je suis identique à mon voisin dans nos rapports aux autorités publiques. Je suis brun, il est roux et pourtant pour les autorités publiques nous sommes identiques. Nulle discrimination ne peut émerger d’une telle identité. Et si elle émerge, elle doit être réduite à néant au nom de cette identité. Identité commune qui se construit dans le temps et qui de ce fait évolue quotidiennement mais avec des repères stables admis par tous, souhaités par tous.
On voit ainsi quel point la laïcité est un principe fondateur de la République. Il se matérialise par la liberté qui est laissée aux citoyens, quelles que soient leurs options métaphysiques particulières. Il se matérialise aussi parce qu’il actualise chaque jour l’égalité en rendant les citoyens égaux dans leurs relations avec les autorités publiques. Il se matérialise enfin parce qu’il établit la fraternité au sein de la communauté des citoyens qui ont de fait, comme des frères et des soeurs, une part de commun qu’il partage, quels que soient leurs particularismes par ailleurs.
Si par mégarde les autorités publiques se mettaient à confondre le commun et les identités particulières alors les déséquilibres au sein de la communauté des citoyens apparaîtraient. Les libertés peuvent alors commencer à déborder les unes sur les autres. L’égalité des citoyens dans leurs rapports aux autorités publiques disparaîtrait. La fraternité, elle aussi, se restreindrait à proportion que les particularismes prendraient le pas sur le commun.
Personne ne peut souhaiter une telle situation où liberté, égalité et fraternité perdraient leur caractère absolu. Personne ne peut souhaiter une telle situation où la devise républicaine serait jetée aux chiens transformant la République, notre affaire commune, en une jungle où le plus fort écraserait les autres, tous les autres.
Personnellement, j’ai fait consciemment le choix d’une France où la devise républicaine n’est pas qu’un ornement. Personnellement, j’ai fait consciemment le choix d’une France où la devise républicaine symbolise un projet commun améliorant le sort de ses membres génération après génération. Et je sais que nous sommes nombreux à vouloir actualiser à nouveau et au quotidien ce projet commun.