« Etre plus compétitifs pour être plus solidaires »

Le premier ministre a commencé son intervention de ce midi par un rappel des trois principes structurant sa politique économique et sociale : (1) la stabilité de la zone euro, (2) le redressement des finances publiques de la France et (3) la relance du dialogue social auquel il rajoutait aujourd’hui le quatrième pilier que constitue « la relance du moteur de l’économie française ».

C’est ce quatrième pilier que doit établir solidement « le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi ».

Pacte qui s’appuie sur une logique clairement exprimée : « Être plus compétitifs pour être plus solidaires ». C’est le nouveau modèle français que décrit ainsi le premier ministre. Or « être plus compétitif » signifie une action sur 3 leviers : (1) le coût du travail, (2) le cout des services à l’industrie et (3) l’investissement et l’innovation.

Les annonces du jour touchent prioritairement le premier des 3 leviers et de manière un peu moins précise le troisième. Un allègement de 20 milliards d’euros du coût du travail au travers d’un « crédit impôt pour la compétitivité et l’emploi » (CICE, calculée – et c’est là l’innovation – en fonction de la masse salariale comme le souligne très justement Sarkofrance ce matin). Le financement se fera en deux parts égales : 10 milliards d’euros d’économies supplémentaires dans les dépenses publiques au travers d’une modernisation de l’état, de ses agences et des collectivités, complétés de 10 milliards de « restructuration des taux de TVA et la fiscalité écologique » à compter de 2014.

La TVA passe de 19,6 à 10 % pour le taux normal. Le taux intermédiaire (incluant la restauration) passe de 7 à 10%. Le taux réduit (celui des biens de première nécessité et des biens culturels) diminue passant de 5,5 à 5%. C’est cette série de mesure sur la TVA qui est la plus commentée par la gauche. Peut-être serait-ce aussi ce qui marquera l’opinion publique. Et pourtant les deux augmentations sont limitées et la baisse est significative. Il est probable par ailleurs que ces évolutions, en particulier le 19,6 qui passe à 20%, ne seront pas répercutées sur les tickets de caisses.

Le premier ministre énonce ensuite sa volonté d’aider les PME et les Entreprises de taille intermédiaire (ETI) à mieux accéder aux commandes publiques et à mieux travailler avec les grands groupes (donneurs d’ordres), à mieux s’exporter (dans le sillage des grands donneurs d’ordres ou avec l’aide de dispositifs publics d’accompagnement) et surtout à mieux innover. Ils auront d’ores et déjà accès à 500 millions d’euros pour régler les difficultés très actuelles de trésorerie. La montée en gamme parallèlement à la réduction du coût du travail aidera nos entreprises dans la compétition internationale et l’objectif est un retour à l’équilibre (hors énergie) de la balance commerciale en 2017.

Les pôles de compétitivité seront réorientés et le recours au numérique sera renforcé tout comme les formations tournées vers l’emploi (500 000 apprentis). Les conseils d’administration des grands groupes accueilleront des représentants des salariés.

Il paraît clair que la compétitivité-coût est assez bien décrite dans ce discours alors que la compétitivité hors coût reste moins bien dotée… pour le moment en tous cas. Il n’en reste pas moins que le modèle français est clairement défini : être plus compétitif pour être plus solidaire ce qui va à l’encontre du libéralisme de la droite qui demande à être moins solidaire pour être plus compétitif et le radicalisme de l’extrême gauche qui met en péril la compétitivité et donc la solidarité. Voilà pour ce qui est de la stratégie générale. En ce qui concerne l’exécution de cette stratégie, elle s’appuiera sur le rapport Gallois remis hier au premier ministre dont l’auteur voit sa mission prolongé dans la mesure où il sera en charge de la vérification de la mise en oeuvre des mesures annoncées aujourd’hui.

La méthode est donc nouvelle : on commande un rapport et on ne l’enterre (contrairement à ce que certains ont voulu faire croire il y a encore quelques jours). Le contenu n’est peut-être pas très innovant, mais c’est bien la première fois qu’une telle stratégie est aussi clairement énoncée : où l’on va et comment l’on y va…

Les ménages vont peut-être mal vivre la légère augmentation de la TVA, mais quelles étaient les alternatives (car oui, il y a toujours des alternatives malgré Mme Thatcher et Melle TINA) ? Une augmentation de la CSG ? A priori cette solution avait ma préférence personnelle, car la taxe sur la consommation (TVA) touche proportionnellement plus les pauvres que les riches du fait de la propension à consommer qui est supérieure chez les pauvres : ils consomment plus que ce qu’ils épargnent. Mais après réflexion, une augmentation de la TVA, limitée en valeur et ne touchant pas les produits de première nécessité, me semble ne pas défavoriser nos concitoyens les moins aisés. Elle les défavorise d’autant moins que le gouvernement a pris le parti de diminuer le taux applicable aux produits de première nécessité. Cela est d’autant plus vrai que la CSG que tout le monde paie (et qui touche partiellement les revenus du capital et pas seulement du travail) n’est pas encore dans une configuration idéale : la révolution fiscale réclamé par Piketty et ses acolytes n’est pas encore lancée et on n’a donc pas de progressivité de la CSG encore. Voilà de quoi favoriser définitivement le levier de la TVA.

Les entrepreneurs ne pourront plus dire qu’ils ne sont pas entendus, et encore moins considérer que la gauche est incapable de les comprendre. Elle en a fait la preuve ces deux derniers jours, à eux de montrer qu’ils savent profiter des leviers qui leur sont proposés en investissant, en créant des produits à forte valeur ajoutée et en recrutant. Certes nous sommes loin du « choc » réclamé par le MEDEF, mais on sait qu’un choc n’est pas utile et qu’il vaut mieux une certaine stabilité. Si en plus cette stabilité est accompagnée de perspectives favorables, les entreprises devraient se sentir écouter et écouter à leur tour. Jean-Marc Ayrault a commencé la mise en oeuvre de l’engagement n°2 du candidat Hollande : « Je ferai des PME une priorité » ainsi que l’engagement n°3 : « Je favoriserai la production et l’emploi en France « . Les entreprises ont désormais, au moins en grande partie, les moyens tant réclamés, à eux de jouer…

Après une journée à forte charge émotionnelle (si si je vous assure que ce n’est pas facile de suivre tout cela tout en ayant un métier qui n’a rien à voir avec la politique), je pense qu’il faut laisser le dernier mot à Jean-Pierre Chevènement qui dans un réalisme à toute épreuve résume bien la situation et la stratégie qui en découle :

[…] Dès lors que le choix de la monnaie unique est considéré par le gouvernement comme un choix dans l’état actuel des choses, indépassable, l’idée d’une +dévaluation fiscale+ est la seule qui puisse rétablir, autant que faire se peut, la compétitivité de nos industries.

et il conclut sous la forme d’un avertissement double :

[…] il faudra veiller à ce que les entreprises investissent dans la production et la recherche les marges ainsi dégagées. Pour le reste, toutes les propositions du rapport Gallois vont dans le bon sens, mais ne sauraient produire leurs effets qu’à terme.

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