Robotisation à venir et nouveau « compromis fordiste » à trouver

Durant les derniers mois, notamment par le biais de la campagne de Benoît Hamon, on a beaucoup parlé de robotisation et du risque sérieux de transfert de métiers aujourd’hui tenus par des humains vers des tâches automatisées sous entendu tenues par des robots !

Or plus j’y pense plus je compare ça à l’une des dimensions les plus concrètes de la mondialisation. Les premiers effets — visibles à l’oeil nu si j’ose dire — de la mondialisation étaient ceux de l’off-shoring : on a délocalisé les opérations manufacturières — ces tâches répétitives et faciles à expliquer et à organiser — à des sous-traitant basés dans des régions éloignées à faible coût de main d’œuvre. Le parallèle est à faire pour trois raisons :

  1. Même si la comparaison peut choquer, un être humain n’étant *pas*, dans sa nature-même, comparable à une machine aussi intelligente soit-elle, il n’en reste pas moins que dans les deux cas — celui du travail humain répétitif et celui du travail automatisée via des machines — on est face à des tâches répétitives — n’exprimant d’ailleurs pas ce qui est la nature même de l’être humain, j’y reviendrai — facile à expliquer et à organiser.
  2. Sans parler de la dimension politique de la question, la justification économique est que c’est le coût relatif qui a incité à délocaliser — le coût de la main d’œuvre là-bas étant moins cher que celui d’ci, le transfert de ces emplois là-bas devenait difficile à esquiver — ; et c’est également le coût relatif qui incite à automatiser — le faible coût d’une tâche faite par un humain maintien la tâche entre les mains de l’humain, si ce coût devient plus élevé en comparaison avec ce que ferait une machine alors la tâche est « délocalisée » vers la machine si cela est techniquement possible : tâche répétitive, facile à expliquer, facile à réorganiser, etc.
  3. Dans la logique de l’off-shoring, la part du salaire dans la valeur créée au travers de ce nouveau processus délocalisé n’a cessé de diminuer au fur et à mesure que la réduction des coûts salariaux ici diminuaient et que l’augmentation des coûts salariaux là-bas ne se faisait pas à une vitesse équivalente à la celle de la diminution des coûts ici ; en l’absence de combat politique crédible en ce domaine dans ces années-là, c’est donc tout à fait logiquement que la part du capital augmentait dans cette création de valeur selon un processus délocalisé dans les pays en développement et c’est aussi cette part du capital qui augmentera dans cette nouvelle création de valeur selon un process délocalisé non plus dans des pays à faible coût de main d’œuvre mais dans des processus automatisés à rendement plus important que celui de la main d’œuvre humaine.

On est donc à nouveau confronté à la question du compromis socio-économique. Le compromis fordiste s’est installé au début du XXe siècle sur la base d’un donnant-donnant entre le travail et le capital, les uns acceptaient l’organisation scientifique du travail — accompagnée de ses inconvénients pour les travailleurs et ses avantages pour l’employeur — en contrepartie d’un partage de la valeur ainsi créée plus équilibré entre capital et travail, entre employeur et salariés. Le compromis fordiste s’est progressivement évaporé avec la délocalisation dans les pays à faible coût de main d’œuvre — off-shoring — comme décrit ci-dessus. Les rapports de force économiques et sociaux — politiques en somme — n’ont pas permis à ce moment-là de remplacer le compromis fordiste par un nouvel équilibre favorable aux salariés. Si encore une fois on ne trouve pas un nouveau compromis pour prendre en compte cette nouvelle forme de délocalisation qu’est l’automatisation alors on va de fait vers de nouvelles frictions sociales et économiques et certainement politiques.

Le rôle des forces de gauche n’est pas d’annoncer la fin du travail — c’est techniquement inenvisageable à ce stade, j’y reviendrai — mais bien d’imaginer puis d’activer les rapports de forces nécessaires à la mise en place d’un nouveau compromis économique et sociale capable de réduire les inégalités qui se sont aggravés ces dernières décennies et que certains nient encore aujourd’hui sous couvert d’amélioration du sort des masses durant le XXe siècle en oubliant que si ce sort s’est amélioré à ce moment-là c’est aussi grâce au compromis fordiste et en oubliant aussi que l’écart se remet à nouveau à se creuser depuis la fin de ce compromis.

 

Crédit photo : Ryan Etter

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