En 2011-2012 j’avais lu le programme du FN pour voir ce qui y était facile à critiquer et ce qui ne l’était pas. Et un point majeur m’avait paru complètement indéfendable, parce qu’il altère un élément fondamental de ce qui a fait l’identité même de la France depuis plus de deux siècles. Ce point majeur est la volonté du FN de revenir sur le droit du sol. Ainsi, le programme de Marine Le Pen, candidate à la présidentielle de 2012, proposait :
“Suppression du droit du sol et réforme en profondeur du code de la nationalité française afin que l’acquisition de la nationalité ne soit plus une simple formalité administrative : être français est un honneur. La naturalisation se mérite et doit être soumise à des conditions strictes de présence paisible et prolongée sur le territoire, en situation légale, de maitrise de la langue française et de preuve d’assimilation. Plus généralement la double nationalité ne sera plus autorisée en dehors des cas de double nationalité avec un autre pays de l’Union européenne ; les personnes concernées seront amenées à choisir entre les deux nationalités.”
Dans le prolongement de l’interview donnée à Valeurs actuelles par un Nicolas Sarkozy quasi candidat à la présidentielle de 2017, Eric Ciotti propose ce qui suit dans un entretien au Figaro :
“Q : Pourquoi remettre en cause le droit du sol dans le processus d’acquisition de la nationalité ?
R : La France est le pays occidental le plus frappé par le terrorisme parce qu’en plus de la menace extérieure, nous sommes confrontés à une menace intérieure. Elle s’incarne dans des jeunes qui ont très souvent le même profil: des musulmans radicalisés issus de l’immigration, délinquants de droit commun, habitant pour la plupart dans les banlieues et nourrissant une haine de la France. C’est la conséquence de l’échec total de notre modèle d’intégration et d’acquisition de la nationalité. Nous devons arrêter de brader la nationalité française. C’est pourquoi je plaide en faveur d’une restriction du droit du sol aux seuls enfants de ressortissants européens. Nicolas Sarkozy a eu le courage d’ouvrir ce débat essentiel.”
La suppression du droit du sol revient à réduire la nation française à une une nation ethnique et non plus une nation civique. Une nation où le fait générateur de l’association politique est uniquement la filiation, donc le sang qui coule dans les veines des membres d’une même ethnie. Une telle conception ethnique est donc désormais proposée par la droite et l’extrême droite en lieu et place d’une nation où c’est la citoyenneté qui fait l’association politique. La citoyenneté, c’est-à-dire l’adhésion à un socle commun de principes et de valeurs. Socle commun au peuple tout entier, au-delà des éventuelles analyses sanguines. Jusque là, la France était progressivement devenue une nation civique, donc une nation de citoyens, depuis la Révolution française. En réalité ce mouvement commence avant même la Révolution, mais le tournant a été mis en exergue dans la Constitution de 1791 qui considère que sont citoyens français “ceux qui, nés en France d’un père étranger, ont fixé leur résidence dans le Royaume”. Cette vision du monde commun a ensuite été confirmée dans les lois de 1851 et 1889.
On voit donc bien qu’il y a ici jonction entre la droite et l’extrême droite sur le sujet central qui caractérisait jusqu’ici cette dernière — son coeur de métier si je puis dire — c’est-à-dire sa définition de la nation comme une nation ethnique et non plus une nation civique au mépris de plus de deux siècles d’histoire nationale.
Ainsi, nous devrons y réfléchir à deux fois la prochaine fois que les chefs de la gauche demanderont, comme en décembre 2015, aux candidats, militants et électeurs de la gauche de favoriser la droite face à l’extrême droite au second tour d’un scrutin démocratique. Y réfléchir par deux fois en prenant en compte cette jonction des deux lignes idéologiques que représentent l’ex-UMP et le FN sur un sujet aussi central dans la définition de notre identité commune, de ce que nous sommes.
Un commentaire sur “Droit du sol : encore une fois la droite imite l’extrême droite !”