La Syrie connaît une guerre ravageuse depuis plus de quatre ans. Les parties prenantes sont nombreuses et souvent difficiles à identifier précisément. Les alliances se font et se défont au grè des batailles, des victoires, des échecs et surtout de l’évolution des alliances régionales. En effet, chaque faction syrienne a son soutien régional comme naguère et, dans une certaine mesure, encore aujourd’hui au Liban.
Il n’en reste pas moins que pour schématiser, on pourrait considérer qu’il existe quatre principaux groupes armés :
- l’armée régulière syrienne soutenue par des milices locales, des combattants du Hezbollah et, dit-on, des combattants iraniens et irakiens
- les milices rebelles très diverses en nombre, en équipements, en réelle présence sur le terrain et surtout en soutiens régionaux
- la milice islamiste de Jabhat Al Nosra qui est officiellement la branche syrienne d’al Qaida
- les forces de l’Etat islamique (qu’on peut appeler Organisation Etat Islamique si l’on veut ou même Daech de son ancien acronyme arabe, mais au final, il se considèrent eux-mêmes comme un Etat et agissent en tant que tel)
La légende de la carte ci-dessous, émanant de l’Institute for the study of war, présente un peu plus en détail les différentes factions rebelles et en décrit la présence sur le terrain à fin mai 2015.

S’intéresser à la guerre en Syrie revient à s’intéresser à la nouvelle carte du Moyen-Orient qui se dessine sous nos yeux. L’évolution récente des positions des différents belligérants montre ce que nombre d’observateurs annonçaient dès les premiers mois de la guerre : le régime de Damas se replie petit à petit depuis plusieurs mois sur la bande côtière, la région de Damas et l’espace qui relie ces deux zones avec Homs en son centre.A ce stade, les
journaux régionaux ayant habituellement leurs entrées auprès du régime de Damas commencent à sortir des informations, issues de sources anonymes, laissant entendre que le régime est en train de passer au Plan B. Il tirerait ainsi un trait sur le retour aux frontières historiques de la Syrie depuis l’indépendance.L’armée syrienne est mobilisée depuis plus de quatre ans maintenant. On peut donc imaginer qu’elle soit « fatiguée » surtout lorsqu’on sait qu’une partie seulement de cette armée est mobilisée, la partie considérée comme la plus « sûre » par la régime de Damas.Alep, deuxième ville du pays, est à moitié perdue pour le régime depuis plusieurs années et la presse régionale évoque un assaut imminent de l’opposition lui permettant de prendre le contrôle total de la ville, ce qui intéressera certainement la Turquie toute proche.L’armée syrienne se concentrera donc probablement sur la défense des villes et régions stratégiques en laissant le reste du territoire aux factions armées, dont l’Etat islamique en particulier pour les zones désertiques, les petites villes du nord et nord-est et leurs campagnes (à l’exception des zones kurdes), quitte à perdre des champs pétroliers ou gaziers difficiles à défendre vu leur éloignement des bases arrières à Damas ou sur la côte. Les villes et régions stratégiques à défendre seraient alors la côte avec les villes de Lataquié et Tartous ainsi que Homs puis Damas et le sud. Homs qui, en plus d’être une grande ville, assure la jointure entre la côte et la capitale.
Homs est à près d’une heure de Palmyre désormais occupée par l’EI depuis fin mai 2015, et Homs a déjà été aux mains de l’opposition qui espère la récupérer à nouveau, mais le régime ne peut se permettre de céder sur ce front, car cela pourrait couper la route reliant Damas à la côte.
Sans oublier que la géographie lie intimement Homs au Akkar libanais que le Hezbollah ne peut laisser à la merci de l’opposition syrienne, en particulier si Homs devient la prochaine cible de l’avancée de l’Etat islamique. En effet, la « Dawla » (« Etat » en arabe, terme qu’utilise ses partisans) est la menace la plus puissante militairement et politiquement pour le régime de Damas, pour le Hezbollah, mais aussi pour la République libanaise qui a, depuis les années 90, de régulières escarmouches et parfois des batailles meurtrières avec les groupements armés salafistes.

Le Liban qui est en prise encore plus directe du côté de sa frontière est, au niveau de la ville de Ersal autour de laquelle se déroulent une bataille militaire et une autre politique en ce moment.Ersal est une ville libanaise très proche de la frontière syrienne. Les décideurs politiques de cette ville libanaise, majoritairement musulmane sunnite sont parfois considérés comme « accueillant » pour l’idéologie des groupes salafistes. En tout état de cause, la proximité géographique avec la Syrie a permis aux dits groupes de s’installer dans les montagnes à l’est de Ersal usant de la ville comme base arrière pour leur approvisionnement.A l’été 2014, les hommes de Jabhat Al Nosra et ceux de l’Etat islamique ont même pu occuper la ville pendant quelques jours et ne s’en sont retirés qu’en prenant en otage des hommes de l’armée régulière libanaise et des forces de police qu’ils ont d’ailleurs encore dans leurs geôles dans les montagnes surplombant Ersal.Or étant donné la proximité de ces territoires plus ou moins contrôlés par les groupes salafistes avec les bastions du
Hezbollah à Baalbek et à Hermel, et étant donné l’action militaire du Hezbollah en Syrie, le parti libanais chiite ne pouvait pas laisser libre cours à la présence salafiste dans cette région. L’armée libanaise est bloquée par une décision politique elle-même neutralisée par les divergences entre les deux fronts politiques libanais (celui proche de Damas et celui proche de Riyad). C’est donc le Hezbollah qui a pris l’initiative cette semaine en déroulant un plan lui permettant, en principe, de contrôler les points stratégiques de cette région de manière à en sortir les forces de Al Nosra et de l’EI.

En faisant ce zoom sur les différentes zones de combats, en Syrie et dans une moindre mesure au Liban, on comprend que l’action symbolique de l’Etat islamique de l’été dernier (les bulldozers sur les traces de Sykes-Picot) est symptomatique de la question des frontières qui se pose désormais au Moyen-Orient. Mais au-delà des frontières c’est l’existence même des états formellement nés au début du XXè siècle que l’on peut légitimement poser et s’interroger sur ce qui les remplacera…
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