On parle beaucoup de « République » ces temps-ci (et encore ce matin à la Mutualité en ce qui concerne le Parti socialiste)… Je trouve néanmoins que les éléments théoriques du débat sont peu mis en avant, du moins dans les médias « grand public ». Comment peut-on être sûr que chacun ne met pas ce qu’il veut derrière l’idéal républicain ? Comment put-on être sûr que l’on parle bien de la même chose ?
J’ai cherché ce qui peut se faire en termes d’écrits accessibles sur le sujet. Je n’ai pas fait d’études de science politique et je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’en avoir fait pour s’interroger sur ces questions qui, en théorie au moins, concernent chaque citoyen. Je m’appuie donc ci-dessous sur le petit livre (épuisé) de Serge Audier, Les théories de la république paru aux éditions de la Découverte (2004). Je ne vais pas vous en faire un résumé. Je vais juste partager ici, et sans grande prétention, ce que j’en ai retenu. J’essaie ainsi de cerner ce qui s’est dit, au travers l’histoire, sur le modèle républicain en appelant de mes voeux que le Parti socialiste puisse un jour se poser sérieusement la question du prolongement de la tradition républicaine, l’actualisation de l’idéal républicain, la façon la plus adaptée de l’appliquer… ici et maintenant !
Républiques de l’Antiquité et de la Renaissance
L’idéal républicain a beaucoup évolué depuis l’Antiquité grecque mais globalement la thématique de la « chose publique » (res publica) ou « chose commune » ou même « chose du peuple » persiste, plaçant le « bien commun » au coeur des fonctions des gouvernants qui gouvernent par la loi et garantissent ainsi la liberté du peuple loin du règne de l’arbitraire du pouvoir personnel. La liberté est au coeur de l’idéal républicain dans la mesure où la liberté est considérée comme la somme des droits garantis par la loi qui est l’expression de la volonté générale. Cette réflexion sur la liberté se prolonge dans la République de la Renaissance italienne où elle protège la sûreté des citoyens face à l’arbitraire des gouvernants.
L’idée républicaine de la Renaissance italienne se prolonge aux XVIIIè et XVIIIè siècles autour de l’idée de vertu civique c’est-à-dire la préférence, chez chacun, de l’intérêt général. La corruption, où les citoyens préfèrent l’inégalité et le luxe, est donc l’ennemi intérieur de la République tout comme l’arbitraire du pouvoir personnel est son ennemi extérieur.
1789, nationalisation républicaine
1789 marque une rupture dans l’histoire de l’idéal républicain : la souveraineté de la nation se substitue à la souveraineté monarchique. La devise républicaine « liberté, égalité, fraternité » caractérisera la traduction française de l’idéal républicain. Autre caractéristique : l’idéal républicain était jusque là appliqué à des cités antiques ou médiévales, il est désormais appliqué à une nation toute entière. Condorcet apporte ici un éclairage fondamental : la volonté générale est le fruit d’une délibération publique dont les décisions peuvent être révisées. Le rôle central de la délibération conduit Condorcet à insister sur l’importance de l’instruction publique qui rend effective l’égalité des droits faute de quoi les moins éduqués dépendront éternellement des élites éduquées.
Le XIXè siècle, matrice républicaine
Au XIXe siècle, Leroux apporte une évolution importante que l’on désigne sous le nom de socialisme républicain où la la liberté seule est perçue comme laissant place aux égoïsmes individualistes, l’égalité seule est perçue comme laissant place au collectivisme liberticide, un ordre nouveau se crée grâce à la fraternité établissant un équilibre entre la liberté et l’égalité.
La promotion du suffrage universel à la fin du XIXè siècle remet la question de l’éducation au coeur de l’idéal républicain. L’instruction publique est ainsi caractérisée par son caractère gratuit et obligatoire puis par son caractère laïc, c’est-à-dire séparant les Eglises de l’Etat. A cette même époque pourvoir au « bien commun » est la fonction de la République et ce bien se traduit par deux service publics essentiels : l’instruction publique (l’éducation sortie du giron des Eglises) mais aussi par l’assistance publique (la question sociale). La République soulage la misère pour respecter la dignité humaine et prévenir l’ordre public.
Le nouveau républicanisme du XXè siècle
A partir du milieu du XXè siècle se fait jour un renouveau de la pensée républicaine. Arendt en particulier se rattache au républicanisme en mettant en exergue le rôle de la « participation civique » comme mode de réalisation de l’être humain. Elle reformule Aristote (l’homme comme « animal politique ») pour considérer que seul l’exercice actif de la citoyenneté donne accès à la « vie politique » dont l’enjeu est ce qui est « commun ». Elle rappelle l’importance de l’usage de la parole et de la persuasion entre égaux et appelle à la « mise en commun des paroles et des actes ».
Sur ces fondements naîtra le courant « néorépublicain » (Pocock, Skinner, Viroli, etc.) comme modèle politique alternatif au libéralisme. Là où le libéralisme met en exergue l’activité marchande de l’individu préoccupé par la préservations de ses droits, le républicanisme met l’accent sur la réalisation de l’homme libre au travers de son engagement dans la vie publique.
En bref…
On voit donc qu’au travers les siècles, la liberté, la loi, la citoyenneté et le commun sont les points dont l’union constitue l’idéal républicain.
Et Serge Audier de résumer :
La république constitue l’espace privilégié de réalisation du bien commun que les citoyens doivent défendre contre la menace de corruption.
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