Après avoir exploré l’hypothèse d’une percée du Front national dans les grandes villes françaises qui lui sont habituellement hermétiques, voyons si le Front national progresse principalement en tirant profit de la crise qui sévit depuis 2008 ?
Pour cela une comparaison de deux cartes me parait utile. D’abord celle montrant l’évolution du nombre d’emplois dans chaque bassins d’emploi entre 2008 et 2012. Elle provient d’un entretien paru dans Le Monde avec Laurent Davezies qu’on pourra relire avec grand intérêt ici. La deuxième est celle des résultats des élections européennes du 25 mai 2014.
La superposition est impossible entre les zones ayant le plus souffert de la crise de 2008 et celles qui ont le plus votées pour le Front national le 25 mai 2014. A titre d’exemple, la zone au nord de Paris et au sud de Lille est en bleu clair dans la deuxième carte (baisse relativement limitée du nombre d’emplois) et pourtant elle est en bleu marine dans la première carte (résultats favorables au Front national).
Cela permet de remettre en cause l’hypothèse souvent évoquée par les politiques faisant de l’économie la seule variable de l’équation menant au succès ou à l’échec électoral. Même l’inventeur de l’expression devenue fameuse « it’s the economy, stupid » n’a pas mis en exergue que l’axe économique dans la stratégie réussie qu’il a définie pour Bill Clinton lors de sa première campagne présidentielle.
Il serait donc erroné de s’appuyer exclusivement sur la variable « taux de chômage » pour espérer être réélu, et pas seulement en raison de la difficulté de maîtriser cette variable, mais aussi (surtout?) parce que les électeurs ont besoin de bien plus qu’un tableau de bord de gestion pour faire leur choix dans l’isoloir. La variable économique est plus que jamais une condition nécessaire mais non suffisante pour expliquer le succès électoral. Reste à savoir ce qui a pu faire le lien entre l’électeur du dimanche 25 mai 2014 et une candidature, celle des listes lepénistes ?
Les sondages sur les « enjeux du vote » donnent une indication intéressante mais probablement trop conjoncturelle.
Il faudra à mon avis regarder plus profondément la relation entre le citoyen et l’élu pour comprendre la fracture qui se dessine entre peuple et élite politique (mais pas seulement). Le graphique ci-dessous, extrait du Baromètre de la confiance politique du Cevipof, est utile pour comprendre ce qui se passe et ce sur quoi nous devons agir pour modifier le schéma néfaste dans lequel notre société s’inscrit depuis plusieurs années maintenant.
C’est dans la proximité que les électeurs mettent leur confiance (l’écart de plus de 20 points ci-dessous entre le plus proche et le plus éloigné est flagrant). C’est probablement d’une proximité retrouvée à tous les étages que le salut viendra.
2 commentaires sur “« It’s the economy stupid » – Really ?”