Durant ces derniers mois, combien de fois ai-je entendu l’argument de la paix mis en exergue pour présenter l’Union européenne de la manière la plus favorable possible e cette veille d’élections européennes ? Dans cette histoire de relation entre paix et construction européenne, on est au mieux devant une question comparable à celle de la poule et de l’oeuf. Et au pire, on est face à une question inefficace, donc inutile en période électorale, car elle ne résonne nullement dans l’esprit des générations d’après-guerre, celles qui n’ont pas personnellement connu de guerre.
Le lyrisme c’est mignon, mais bon…
En campagne électorale, faire dans le lyrisme n’est plus suffisant, il faut donner une perspective, un horizon visible, et de préférence attrayant, aux citoyens des différents états qui composent la maison commune. En effet, les électeurs sont de plus en plus informés, de plus en plus éduqués et de plus en plus souvent capables de raisonner seuls sans l’aide des grands médias de masse, à l’aide de canaux d’informations alternatifs, pour le meilleur et parfois pour le pire.
Que leur proposent donc les formations politiques prenant part à cette compétition électorale ?
Il y a ceux dont la voix est peu audible, car leur message est brouillé : je pense en particulier au Parti populaire européen (dont l’UMP), usé par 10 ans de règne à Bruxelles et contraint par un sentiment populaire euro-critique pour ne pas dire euro-sceptique lié en partie, mais pas uniquement, à la crise que les peuples européens expérimentent, quasiment dans leurs chaires pour certains d’entre eux, depuis 2008. Il y a ceux qui seront dans tous les cas minoritaires dans le prochain parlement européen n’ayant donc aucune marge de manoeuvre dans les décisions à venir, je pense ici au Parti de Gauche ou au Front national. Il y a ceux qui seront minoritaires et qui pourront néanmoins agir au travers des jeux d’alliances durables tout au long de la prochaine mandature ou ponctuelles, au coup par coup en quelque sorte, je pense aux Verts, au libéraux démocrates ou aux conservateurs anglo-saxons. Il y a enfin le Parti socialiste européen (dont notre Parti socialiste) qui n’a plus dirigé l’exécutif européen depuis bien plus d’une décennie et qui espère profiter de la désignation d’un Président de la Commission corrélée aux résultats de l’élection européenne pour placer son homme fort, Martin Schulz, à Bruxelles. Le réel enjeu est donc construit autour des deux principaux groupements de partis : le PSE majoritaire à gauche et le PPE majoritaire à droite, avec éventuellement des alliés de plus petite taille.
Le pouvoir du peuple ? Ce n’est pas assez mais c’est déjà pas mal…
Un écart insuffisant ente les deux principales formations conduirait à une coalition les regroupant toutes deux derrière une personnalité de consensus. Mais si une majorité se dégageait du scrutin, les électeurs auraient alors décidé, pour la première fois de l’histoire de la construction européenne, du nom du Président de la Commission et donc de l’orientation politique que prendra l’exécutif bruxellois.
Naturellement, une majorité accordée par les électeurs européens au PSE n’induira pas une politique de gauche telle qu’une majorité de Français de gauche l’espérerait : il est probable que les autres peuples européens seront toujours, à horizon visible tout du moins, bien moins à gauche sur le plan économique et social que les électeurs de gauche français. Il n’en reste pas moins que même s’il n’y a pas d’orientation radicalement nouvelle, il ne peut qu’y avoir inclination différente de la politique impulsée par Bruxelles. Car même si la politique intérieure de l’Union, notamment au niveau économique et social, n’est pas définie par Bruxelles seule, il n’en reste pas moins qu’un exécutif de centre gauche tendra vers une politique différente de celle que l’actuelle commission Barroso.
On peut jouer au peuple blasé et juger, sur la base de ce que l’on considère être l’exemple français, que les politiques de centre gauche sont insuffisantes voir contre-productives. Une telle posture serait le choix de la facilité, car le candidat Hollande n’a jamais promis une relance de la consommation façon travaux appliqués d’un keynesianisme particulier lu avec les lunettes du début des années 80. Oui il a promis, notamment au Bourget, plus de justice sociale et cette promesse n’est pas tenue, c’est un fait. Mais tout au long de sa campagne, il a aussi promis qu’il réorienterait la construction européenne et il a échoué, très vite dès le début de son mandat, à convaincre Angela Merkel de l’accompagner sur ce chemin nouveau. C’est à partir de cet échec que la contrainte budgétaire devenait le seul horizon possible au travers d’une rigoureuse politique d’assainissement des comptes publics.
Une posture contestataire… Et après ?
Si l’on admet que cette contrainte est la principale des racines de nos difficultés actuelles alors on ne peut pas rejeter, par jusqu’au-boutisme, l’occasion qui nous est offerte d’agir sur elle. Un potentiel Président de la Commission promettant ce qui suit ne peut pas, sauf à se renier complètement au lendemain de son élection, poursuivre dans le sillon creusé par Barroso.
Schulz, dans son projet propose entre autres de :
- « Soutenir la mise en place d’un salaire minimum européen égal à au moins 60% du salaire médian du pays »
- « Légiférer en priorité sur les priorités sociales et économiques des citoyens plutôt que sur le volume des chasses d’eau et la taille des concombres ou des interrupteurs »
- « Mettre en place, maintenant, la taxe sur les transactions financières pour freiner les excès incontrôlés de la finance qui nous ont conduits à la crise »
- « Réviser le pacte de stabilité pour donner la priorité à la croissance, la relance et l’emploi »
- » Nous sommes pour le Juste échange, fondé sur les principes de réciprocité »
Je pense qu’en mai-juin 2012, François Hollande négociant avec Anglea Merkel aurait eu un peu plus de poids, si en plus 18 000 668 Français qui venaient de l’élire, il s’était présenté au sommet franco-allemand avec l’appui de 250 députés européens. C’est cette opportunité qui se présente à nous aujourd’hui, rien de plus et rien de moins.
Les sondages donnent les deux grandes formations au coude à coude même si ces derniers jours, la droite semble reprendre le dessus :
Et puis pour finir, revoyons un peu les alternatives possibles… Les deux principales formations politiques sont les seuls capables de l’emporter. La gauche radicale n’a aucune chance d’obtenir une majorité, et l’extrême droite est encore plus loin derrière. Les souverainistes de gauche sont quasi-inexistants et ceux de droite sont… de droite et donc loin de tout volontarisme économique. Voter pour une autre liste que celle soutenant Schulz revient exactement à déposer dans l’urne un bulletin Juncker.
Je sais que le vote utile est le pire des arguments, mais en attendant une modification du mode de scrutin européen ou une déconstruction très hypothétique (et à mon sens non souhaitable) de l’Union européenne, le calcul est simple à faire et le choix qui en découle est évident : c’est Martin Schulz qui doit prendre la présidence de la Commission européenne et non pas Jean-Claude Juncker !
Alors, moi, le 25 mai je sais quel bulletin glisser dans l’urne : non pas par la discipline à laquelle on peut s’attendre de la pat d’un membre du Parti socialiste, non pas parce que je serais un « eurobéat » fédéraliste éternellement satisfait de ce qui se fait à Bruxelles, mais parce que – par réalisme – je parie -encore une fois – sur un premier pas dans la réorientation du projet européen au travers du Parlement…
2 commentaires sur “Au sujet du 25 mai, on fait quoi ?”