On part au travail avec dans sa timeline Twitter un député socialiste, Malek Boutih (dans Le Parisien) réclamant le changement de premier ministre et évoquant même,ultime absurdité, une éventuelle dissolution de l’assemblée…
… On rentre du travail et on découvre sur la même timeline des militants de gauche réclamant un changement de premier ministre , un premier ministre répondant implicitement à Boutih, et même le site d’une grande rédaction publique lançant un sondage sur le sujet : le citoyen 2.0 est appelé par les journalistes 2.0 à désigner leur premier ministre 2.0. On en est probablement à la fine pointe de la démocratie participative.
Déjà le même Boutih s’était illustré sur les réseaux en publiant une photo de lui torse nu écharpe tricolore au vent, en soutien aux pseudo-féministes venues de l’est. Le même Boutih qui, il y a quelques semaines face à Florian Philippot dans l’émission de France 2 Mots croisés, s’est illustré en argumentant non pas de manière politique, mais en prenant les critiques du frontiste à titre personnel comme si la lutte contre le Front National se situait au niveau de sa seule personne et non pas au niveau des grands principes qui fondent la République. Et, le pompon, il finit par nier toute possible légitimité d’un candidat frontiste en cas de victoire électorale ce qui est le degré zéro de l’argumentation politique.
Malek Boutih a été, semble-t-il, un espoir de la gauche à un moment, mais on ne se souvient plus quand… En tout cas depuis son interview au Parisien, il est désormais une espérance de la droite : avec lui et ceux qui le suivent sur les réseaux sociaux, la gauche n’a plus besoin d’opposition, l’UMP et le FN peuvent dormir tranquille, le député de l’Essonne assure leurs arrières.
Les camardes réclamant le remplacement du Premier ministre devraient d’abord respirer un coup. Ensuite, il devrait faire comme le suggère Premier ministre en ne se laissant pas « impressionner ». C’est seulement à ce stade qu’ils pourront user de ce dont la nature nous a tous dotés (même les plus accros à Twitter d’entre nous) : le cerveau qui permet de penser avant de parler et éventuellement agir. En réfléchissant, on se rend compte que dans la situation actuelle, les capacités du Premier ministre (qu’on l’apprécie ou non) ne sont pas en cause.
Il ne s’agit pas d’une question de prénom ou de nom car la politique n’est pas seulement une question de personne. Cela beaucoup semble l’oublier. La politique est une histoire de contenu, de fond, d’idées, de doctrine, d’idéologie. Quelles sont les idées que nous mettons en œuvre ? Sont-elles celles que le peuple attend ? Ce que le peuple espère est-il faisable dans les contraintes actuelles ?
Ce qui est d’abord en cause, vu de la rue, à tort ou à raison, c’est la politique suivie par le Président de la République et le gouvernement avec le Premier ministre à sa tête. Cette politique qui se focalise sur le rétablissement des comptes publics est-elle celle que le peuple attend ? C’est en tout cas celle que François Hollande, candidat, a clairement et très explicitement annoncé durant sa campagne de la primaire citoyenne en 2011 et durant sa campagne officielle du premier et du second tour de la présidentielle de 2012.
La première difficulté est dans le fait que la situation économique (taux de croissance, taux de chômage, etc.), en tout cas telle qu’elle est ressentie par le peuple, semble avoir empiré depuis 2012 ou du moins, elle ne s’est pas assez améliorée.
La deuxième difficulté est due à l’état effectif des comptes publics et le niveau de la dépense publique qui nous mettent réellement dans une mauvaise posture. Quelle « autre politique » faire et par le biais de quelle marge de manœuvre ? Dans ou sans l’Euro ? Avec ou sans une devise forte ? Avec ou sans indépendance de la Banque centrale ? Qui est prêt à prendre le risque de se lancer dans cette « autre politique » et est-ce sur cet « autre programme » que François Hollande a été élu ? Le discours du Bourget mériterait d’être relu…
La troisième difficulté est due aux contraintes européennes : elles ont été légèrement atténuées même si personne ne le rappelle (même pas le gouvernement) puisque l’application des règles est moins stricte qu’initialement prévue. Atténuées, peut-être, mais elles sont présentes plus que jamais (Barroso le rappelait hier), comme une épée de Damocles et ce sans aucune contrepartie en termes de politique d’investissement ou de grands travaux.
Gaëtan Gorce rappelait ce matin sur Twitter fort judicieusement l’importance d’une relance par l’investissement en particulier pour rééquilibrer l’effort de rétablissement des comptes publics :
Le départ d’Ayrault ne réglerait rien,l’enjeu c’est de compléter d´urgence la pol.de redressement d’1volet de relance par l’investissement..
— Gaëtan Gorce (@GGorce) November 12, 2013
…soit à l’échelle européenne:il faut rouvrir le débat à ce sujet avec des propositions claires. Et en cas d’échec,à l’échelle nationale…
— Gaëtan Gorce (@GGorce) November 12, 2013
…ne nous laissons pas entraîner dans des faux débats.La seule vraie question est de compenser l’effet récessif de ce budget !
— Gaëtan Gorce (@GGorce) November 12, 2013
Bref, tout cela pour dire, notamment à M. Boutih, que c’est d’idées dont nous avons besoin et non pas de misérable et méprisable buzz !
Je lis beaucoup d’articles qui précisent que courir au rétablissement des comptes de l’état sans sortir de l’euro est inutile. Il faudrait avoir le courage d’en sortir. Toutes les explications que je pourrais te donner seraient plus pales que les originaux. Je pense que tu lis Sapir, qui n’est plus seul. Le dernier article que j’ai lu sur le sujet est top, et explique bien, à mes yeux la chronologie des évènements : il rappelle ce que sont les causes (une monnaie trop forte) et ce que sont les effets (des déficits).
http://www.herodote.net/Comment_la_monnaie_unique_tue_l_Europe-synthese-1809.php
Note que je n’ai pas encore bien intégré ce que serait une monnaie commune.