Hier Le 9 juillet après midi, un attentat à la voiture piégée a frappé
la banlieue sud de Beyrouth, « le bastion du Hezbollah » comme
beaucoup s’empresseront de préciser, sous entendant ainsi que ses
habitants seraient moins libanais de ce fait ! Les partis et
personnalités libanais alliés des Saoudiens se sont évidemment
précipités pour expliquer que c’est bien la faute du Hezbollah si
la guerre en Syrie s’invite au coeur de Beyrouth. Leur théorie se
défend, mais elle a aussi ses limites. Il est clair que
l’intervention du Hezbollah en Syrie a été déterminante dans la
défaite des rebelles syriens dans la ville de Qussaïr. Dès le 5
juin, les médias libanais prosaoudiens (comme la mtv locale qui
n’a rien à voir avec l’autre mtv!) annonçaient que la réplique des
rebelles syriens serait sur le territoire libanais. Le Hezbollah
considère de son côté que les dits médias agissent comme des
portes-paroles quasi officiels de la rébellion syrienne qui se
finance au même gisement pétrolier. Mais revenons à l’attentat
d’hier qui n’a heureusement fait que des blessés et aucun mort. Un
proche du Hezbollah (rédacteur en chef du quotidien Al Akhbar) rappelle en
fin de son édito qui
paraît ce matin que
Bir El Abed, la rue où a eu lieu l’attentat d’hier, a
connu il y a 28 ans, en 1985, un attentat similaire, mais bien plus
meurtrier (90 morts). Il rappelle également que Bob
Woodward (1) avait relié l’attentat de 1985 aux hommes de la CIA au
Liban avec financement… saoudien ! Une recension
du livre (2) de Woodward, parue dans le LA Times, rappelle ces
détails de l’histoire de la guerre (dite « civile ») du Liban.
Évidemment l’histoire ne se répète pas, mais dans un contexte
d’instabilité comme celui que connaît le Liban et plus généralement
le Moyen-Orient tout entier, le retour des attenants à la voiture
piégée ciblant des civils et non des personnalités, est un signal
fort, celui d’une volonté de lancer l’étincelle qui générera une
fitna
entre chiites et sunnites, un peu comme cela
est encore le cas en Irak actuellement entre les mêmes sunnites et
chiites et aussi comme ce fut le cas entre chrétiens et musulmans
au Liban entre 1975 et 1990. Pour applaudir il faut deux mains et
pour guerroyer il faut au moins deux camps. L’attentat de 1985 a
donné lieu à des ripostes du même acabit touchant la partie de
Beyrouth sous influence américaine à l’époque. En sera-t-il de même
aujourd’hui : si le Hezbollah devait répliquer, qui frapperait-il ?
mais en a-t-il la volonté étant donné les enjeux de l’éventuelle
guerre « civile » ? En effet plus ses troupes s’embourbent dans les
conflits internes (Syrie, Liban), moins le Hezbollah sera (c’est un
fait pas une opinion) prêt à affronter son ennemi déclaré (Israël).
Espérons au passage qu’il n’y ait pas de tierce partie jouant à la
main invisible, non pas celle d’Adam Smith, mais celle d’un réseau
d’intérêts régionaux mettant de l’huile sur un feu qui couve.
UPDATE du 23/08/13 : un deuxième
attentat dans la banlieue sud le 15/08 a fait près de trente morts,
deux autres attentats aujourd’hui à Tripoli à la sortie de la
prière du vendredi dans deux mosquées de la ville. Les
investigations pointent jusqu’ici une cellule takfirie
avec des suspects identifiés mais cachés pour le moment dans des
camps palestiniens inaccessibles pour les forces de l’ordre
libanaises. (1) Bob Woodward
est l’un des deux hommes de l’affaire du Watergate, journaliste
d’investigation hors norme, au moment de la publication de ces
révélations il travaillait au Washington Post
(2) Bob Woodward, The
Veil : The Secret Wars of the CIA, 1981-1987,
Simon & Schuster
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