Le semestre électoral qui se termine est une chance inespérée pour les partis que l’on peut qualifier de petits : les partis qui ne participent pas au gouvernement du pays. Le Front National est, parmi ces petits partis, celui qui a probablement le plus profité de cette mise en lumière issue du traitement médiatique des deux campagnes électorales qui s’achèvent.
Le show électoral assuré par l’affrontement Mélenchon / Le Pen durant la campagne présidentielle a été merveilleusement complété par le recours sarkozien à des thématiques habituellement réservées à l’extrême droite. Ces deux vecteurs ont mis le Front National au centre du débat aidés en cela par la relative sérénité d’une campagne socialiste qui ne cherchait pas à faire de vagues.
Le show s’est poursuivi dans la dernière ligne droite de la campagne des législatives en raison de la possibilité de rupture de la fameuse barrière d’espèces qui séparait de l’UMP du Front National et ce malgré le faible nombre de triangulaires et duels impliquants le Front National comparé au cru 1997.
On peut donc d’ores et déjà parler de relatif succès du Front National, que le parti de M. Le Pen ait ou non des députés à l’Assemblée nationale.
Ce succès, tout relatif qu’il est, a fait surgir plusieurs types de réactions plus ou moins originales :
- Les tenants de l’aile dure de l’UMP (Longuet, Morano, etc.) se sont découverts des valeurs communes avec le Front National par opposition à l’absence absolue (Estrosi) de points de convergence avec le Parti Socialiste
- Les tenants de l’aile modérée de l’UMP qui doivent avaler des couleuvres (Nathalie Kosciusko-Morizet) ou garder le silence (Chantale Jouanno)
- Les tenants du désormais classique (et contreproductif ?) front républicain, majoritaires à gauche, partant d’un postulat plaçant le Front National à la marge de la République
Peu de voix se font entendre à gauche pour donner un éclairage nouveau sur la problématique du Front National. Peu de voix, à gauche notamment, cherchent à comprendre et expliquer les ressorts qui font le succès du Front National. L’appel au front républicain est symptomatique de cette absence de sérénité dans la réflexion. On se contente de diaboliser le Front National sans chercher à le contrer sur son terrain. On le diabolise et parfois même on prête le flanc à ses attaques (voir à ce sujet le papier de Coralie Delaume dans Le Monde sur la mauvaise réponse de la gauche face à la doite identitaire).
A droite, rien ne change entre la stratégie de N. Sarkozy et celle de J-F Copé et ses acolytes de la direction collective de l’UMP : ils poussent leur discours sur leur droite espérant ainsi récupérer des voix qui naturellement iraient vers le Front National. Ils oublient en faisant cela que le Front National depuis quelques années, et de manière plus assurée avec l’avènement de M. Le Pen, n’est plus seulement un parti d’extrême droite. Les thématiques anti-mondialistes (voir à ce sujet l’excellente analyse de Sylvain Crépon) lui donne une saveur gauchiste très éloignée de toutes les positions de l’UMP que l’on soit dans la mouvance humaniste ou dans celle populiste. Ainsi, l’UMP espère-t-elle récupérer non pas les nouveaux électeurs du Front National (ceux issus de la gauche, potentiellement les moins « accros » à la famille Le Pen) mais ses soutiens les plus anciens et les plus ardents (issus de l’extreme droite la plus traditionnelle), ceux-là même qui sont en principe les plus difficiles à réorienter vers la droite classique.
Espérons qu’une fois la poussière retombée et la campagne définitivement terminée, la gauche prenne le temps de réfléchir sereinement à ce qui fait le succès du Front National, notamment aurpsè des couches dites « populaires », et par conséquent aux modalités les plus efficaces pour luter contre lui. Espérons aussi qu’une fois l’échec électoral digéré, l’UMP puisse elle aussi délaisser la panique (#UMPanique) des 6 derniers mois et retrouver un peu de paix de l’esprit qui lui permette de revenir à sa nature propre et en déduire une offre politique renouvelée, cohérente sans excès d’électoralisme.
Suffragium « mortificat et vivificat deducit ad infernum et reduci »