… Ok, en Iran, le peuple vote, mais sans être sûr que ce qu’il met dans les urnes sera pris en compte au moment de la déclaration officielle des résultats de l’élection présidentielle de la République islamique d’Iran. La réalité du scrutin 2009 ne sera probablement jamais connue et le peuple iranien n’est pas à l’abri d’une reproduction de la mascarade survenue lors du renouvellement d’Ahmadinejad.
Mais en attendant, en Iran on vote et le processus électoral est bien plus ouvert que ce qu’on croit.
Rôle du président et sélection des candidats
Evidemment le rôle du président est relativement limité étant donné le poids du guide suprême dans la Constitution du République islamique iranienne qui a succédé au régime « impérial » (rien de moins) du Chah Pahlavi. Mais après tout, si le rôle du président était si peu prépondérant, l’opposition iranienne de 2009 aurait pris le risque de faire couler le sang pour se rebiffer contre la possible fraude émanant du régime ? Ce vote a donc un sens, au moins symbolique, pour le peuple iranien.
En deçà du rôle du président dans un régime soumis au pouvoir du guide suprême, on pourra critiquer le système de validation des candidatures. Evidemment c’est un mécanisme qui fausse le jeu dans la mesure où tous ne peuvent être candidats. Mais notons quand même que l’élimination de Rafsanjani censé représenter l’aile modérée du régime, donc celle la plus proche des réformateurs, correspondait à l’élimination de Machaï, le candidat du président sortant Ahmadinejad, celui que les réformateurs haïssent le plus. C’était peut être une sorte de win-win comme dirait nos amis américains : la disqualification de l’un faisant l’affaire de l’autre. Il reste malgré tout un candidat considéré comme proche de Rafsanjani et le fait qu’il soit seul quasi-réformateur lui donne quelque chance d’espérer être au deuxième tour.
Et puis un point important à ne pas oublier : dans les pays qui entourent l’Iran, il n’y a pas beaucoup de régimes démocratiques. Aucun pour ainsi dire, à part la Turquie. Il n’y a pas non plus beaucoup de pays où le peuple vote. Presqu’aucun pour ainsi dire. Je ne parlerais pas de l’Arabie Saoudite et du Qatar où le concept même de vote est inexistant pour un scrutin national. Je ne préjuge pas de l’évolution des pays tels l’Egypte ou la Tunisie ayant fat leur révolution et sont actuellement dans la Réaction à cette Révolution : nous verrons dans une décennie où ils en seront et on pourrait avoir de belles surprises.
Quelles grilles de lecture pour les six candidatures ?
Mais revenons à l’Iran… Il y a donc 6 candidats en lisse. L’un d’eux succèdera au « facétieux » Ahmadinejad. Parmi les six, cinq sont considérés comme proches des conservateurs. Seul Rohani est a priori proche des réformateurs. Et pourtant c’est un religieux : s’il passe au second tour, nos préjugés occidentaux vont se prendre un coup dans l’aile ! En plus c’est un dignitaire du régime : il a dirigé les négociations sur le nucléaire. Et pourtant il est proche de Rafsanjani et presqu’officiellement du camp réformateur grand vaincu de 2009.
Ce paradoxe est utile pour rappeler un point majeur : s’il y a réformateurs et conservateurs, il n’y a pas à « espérer » un grand changement dans les relations avec les occidentaux ou avec Israël. Quel que soit le gagnant, la politique étrangère gardera ces grandes lignes. La stratégie ne changera pas, car c’est la seule qui assure un certain poids pour l’Iran dans la région. Je ne parle pas des propos provocateurs d’Ahmadinejad sur Israël, je doute qu’un président sérieux reprenne à son compte ce type de futilité.
Notons enfin que les sondages (ça vaut ce que ça vaut hein…) donnent Ghalibaf premier et hésitent pour la place de deuxième entre Rohani et Jalili. Cela laisse à penser que Rohani n’a que peu de chance de gagner s’il parvient à atteindre le deuxième tour. Ghalibaf est maire de la capitale et a, semble-t-il, un bilan positif. Rappelons aussi que la société iranienne peut, elle aussi, être observée du point de vue de la dialectique riches / pauvres ou encore ruraux / citadins, etc. Rares sont les commentateurs prenant en compte ce prisme alors qu’il est probablement porteur du seul réel enjeu du scrutin. Or sur cette facette de l’élection, les candidatures Ghalibaf et Jalili peuvent être intéressantes à analyser finement dans la mesure où ils sont tous les deux d’origines rurales et pauvres fort éloignées de la caste des marchands (bazar est un terme iranien pour dire marché) et de celle des religieux.
Illustration : AFP / Behrouz Mehri

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